En chair et en crocs [Terminé]

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Anthony sortit de la classe en ne prenant même pas la peine de refermer la porte derrière lui. Il serra les dents tout en monta en grandes enjambées les escaliers qui le séparait du hall d’entrée de l’université. À destination, il bifurqua pour continuer sa route vers la cafétéria où Anna devait le rejoindre dans au moins deux bonnes heures. Il s’avança donc vers une table ronde et s’assit sur l’une des chaises à ses côtés à l’aspect peu confortable. À cette heure, il n’y avait pas beaucoup d’étudiants, la plupart étant dans leurs cours ou encore dans leur lit à roupiller.

Anto’ s’installa donc confortablement en mettant ses pieds sur la table. Ses chaussures étaient pleines de boue et même pas lacées. Or, il soupira et croisa les bras, fermé à toute discussion ne venant pas de son amie Anna.
Avant qu’elle n’arrive, il eut le temps de resonger à d’horribles cauchemars. Son père agonisant, les cries, les corps délabrés et lui baignant dans un bain de sang qui n’était pas à lui. Puis son regard dévia vers Anna qui l’avait suivit aussitôt. Il n’eut pas le temps de cauchemarder plus longtemps grâce à elle. Il devait maintenant affronter la première partie de son périple complètement suicidaire : elle, puis sa mère. Ça l’allait être encore plus horrible.

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Remontant les escaliers, elle se retrouva dans la cafétéria. D’un simple balayement du regard, elle put tout de suite savoir où il était assit. L’expression qu’il abordait présentement ne lui semblait pas des plus ouvert. Néanmoins, elle prit son courage à deux mains et s’avança vers lui. Elle frissonna. Morales tremblotait légèrement, maintenant qu’elle n’était pas en cours, elle pouvait laisser libre cours à ses émotions. Elle devait cependant se montrer forte, comme toujours. Jamais de sa vie elle ne fut des plus anxieuses en sa présence. Qu’allait-il dire? Qu’allait-elle lui dire? Bon sens que cela devenait compliqué.

Le regard qu’il lui avait lancé avait complètement glacé le sang dans ses veines. Néanmoins, elle s’assit juste devant lui, un banc plus loin, en posant ses choses sur la table. Puis, elle alla planter son regard dans ses yeux. Elle aurait beaucoup donné pour avoir des retrouvailles remplis de joie ou elle pourrait le serré dans ses bras. Mais le moment était trop bizarre pour faire un tel geste. D’ailleurs, un bref coup d’œil à ses chaussures la rendit perplexe pendant quelques instants. Elle prit une inspiration et se lança :

« Je… euh… euff »

Elle rendit les armes. Que pouvait-elle dire par tous les Saints de la terre!? Elle devait rapidement se prendre. Elle enchaina immédiatement :

« J’abandonne. Merci mon Dieu, tu es encore vivant! J’ai tellement eu peur, tu ne pourras jamais le croire! Es-tu blessé? Qu’est-ce qui s’est passé? Comment vas-tu? Je suis tellement désolé pour… Je… J’ai passé deux semaines à me demander ou tu pouvais bien te trouver! Comment… Comment peux-tu revenir comme cela? En ce jour? Sans rien me dire, sans… m’avertir d’avance. Oh bon sens, pardonne-moi. »

Les mots qu’elle avait prononcés étaient sortis tous à la fois, sans aucune interruption pour respirer. D’ailleurs, ses épaules s’étaient affaissées et elle avait immédiatement détourné le regard afin de contrôler le subit flot d’émotion qui s’était caché en elle pendant ces deux semaines. Quelque chose à l’intérieur d’elle lui disait qu’elle n’aurait jamais une réponse satisfaisante de la part d’Anto’.

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Anthony s’était imaginé un discours des centaines de fois sans succès. Il y avait pourtant un moyen. Lui dire la vérité, elle était simple bien que cruelle. Une vérité qui n’engendrerait aucune trahison ni soupçon. Une vérité qui le laverait de tout remords, une partie du moins. Pendant le discours d’Anna où elle ne reprit pas le temps de reprendre son souffle, Anthony regardait le sol en se massant la nuque. Son regard sévère devint celui d’un enfant qui se fait disputer. Il semblait dépourvu de tout moyen et honteux. Cela dit, il ne put s’empêcher de sourire faiblement quand elle lui annonça son bonheur vis-à-vis son état de santé. Il fut toucher de voir que le soulagement surpassait peut-être sa colère.

Pour cela, il releva les yeux pour regarder Anna. Il avait du mal à garder le contact, passant son temps à dévier vers les épaules de la jeune femme, vers son sac ou encore la table. Du moins, il en revenait toujours à ses yeux brillants d’incertitude.

« Heu… Bien… Non je ne suis pas blessé et je vais bien et… C’est quoi les autres questions? »

Il haussa les sourcils et leva les yeux aux ciels pour tenter de se souvenir de toutes ces paroles qui avaient été jetés dans un tas de paroles mêlées.

« Je… C’est difficile à expliquer. Je n’ai pas pu te parler avant parce que je me suis enfuie voilà. Je suis maintenant revenu et pour rester. »

Il savait que sa réponse ne serait pas suffisante. Peut-être pas pour l’instant, mais plus tard il savait qu’il devrait avouer au moins une chose : qu’il était un assassin.

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Elle fut contente d’une chose, elle eut réponse. Ce n’était peut-être pas une réponse des plus complète, ni une réponse des plus sincère, sans artifice. Cependant, il avait tout de même tenté de lui dire une vérité partielle. Anna ne put s’empêcher de pousser un petit rire lorsqu’il lui demanda quelle était les autres questions. Elle devait avouer que tout était sortir à la fois et que cela ne lui laissait pas le loisir de réfléchir, mais elle s’en fichait. De plus, Morales se sentit un peu mal en pensant au fait que ce n’était pas la complète vérité. Depuis quand il lui cachait des choses? Au fond d’elle, elle savait qu’il ne lui mentait pas pour l’amusement de le faire. Il devait y avoir une bonne raison. Elle voulait y croire au plus profond d’elle-même.

« Je peux comprendre que tu ais fuit. Je… Inutile de faire comme un enfant Antho. Je ne voulais pas agir comme une mère. J’ai cru que je t’avais perdu. Littéralement. »

Elle poussa un soupir, un soupir de douleur. Elle ne savait pas s’il pourrait comprendre, sans doute. Elle ajouta ensuite, en baissant le regard vers le torse du jeune homme, évitant son regard.

« Pourtant, je veux savoir pourquoi tu ne m’as rien dit. Antho, ça fait tellement longtemps que nous sommes amis. Notre amitié ne veut plus rien dire? »

Pourquoi posait-elle une question qui était évidente? Elle voulait être rassurée. Sa moitié était revenue, mais elle n’arrivait pas à se convaincre qu’elle pouvait agir comme si rien ne s’était passé. Pourtant, Anna désirait ne plus se souvenir de ces douloureuse semaines. Elle aurait tout donné pour oublier. Elle se sentit soudainement des plus coupables et fit un geste pour se relever. Mais quelques chose le lui empêchait…

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Anthony se releva pour faire les cents pas autour de la table ronde. Leur amitié n’avait pas sa place au lieu de ce sujet et elle ne comprenait pas ça. Pourtant il comprenait pourquoi elle avait été déçue de son comportement et que maintenant elle était méfiante.

Il n’avait qu’un moyen pour qu’elle arrête toutes ses questions. Il devait trouver une situation assez embêtante pour que la décision de fuir soit logique. Il n’était pas prêt à avouer que tout était de sa faute. Surtout ici au beau milieu d’une école qui n’arrêtait pas de traîner des étudiants ici et là dans leurs horaires toutes différentes. Il se racla la gorge et fronça les sourcils comme s’il allait dire quelque chose de douloureux.

« La journée avant sa mort je lui ai dis que je le détestais… »

Il n’avait pas regardé Anna en prononçant ces quelques mots. Puis il retourna s’asseoir en soupirant. Quel minable mensonge. Ce n’étai même pas une bonne raison pour la laisser sans nouvelles.

« Je suis idiot, désolé. »

Résigné, il baissa la tête pour regarder les genoux de son amie.

« Je peux rien dire Anna, j’en suis incapable pour l’instant. »

Il plongea ensuite ses yeux sombres dans ceux d’Anna. Ça c’était la vérité.

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Suite au discours d’Antho, Anna ne se sentit pas mieux. Elle était maintenant accablée d’une douleur à la poitrine. Elle se sentit minable et égoïste. Les paroles qu’elle lui avait lancé avait surement été des plus douloureuse pour son ami. Il venait de perdre son père et, en tant qu’ami, elle se devait de le comprendre ou, du moins, tenter de le faire. Elle ne pouvait pas croire qu’elle avait été aussi idiote. Elle devait le croire sur parole, maintenant. Pendant qu’il parlait, elle l’avait regardé, mais elle avait du mal à retenir la boule dans sa gorge.

Lorsqu’il eut finis, elle se releva lentement de sa chaise et vint se pencher près de lui pour l’enlacer de côté, elle coucha sa tête sur son épaule. Les démonstrations d'affection étaient plutôt rares dans leur duo, cependant, elle voulait au moins le faire une fois. C’était une situation qui ne sortait pas de l’ordinaire. Elle prit ensuite la parole :

« C’’est moi qui est une idiote. En fait, je suis heureuse que tu sois encore en vie. Le reste importe peu. Je suis navré de m’être emporté, mais j’ai eu peur… »

Elle se tue ensuite afin de resserrer un peu plus son étreinte. Elle savait que quelque chose se cachait derrière tout cela. Elle le sentait. Néanmoins, elle se devait de se montrer compréhensive et de ne pas simplement pensé qu’à son unique bonheur. Ce n’était pas elle qui se trouvait dans la pire des situations.

« Ton père savait que tu l’aimais. Un «je te déteste » ne remplace pas une vie de « je t’aime ». »

Elle releva ensuite la tête afin de plonger son regard dans le sien. Anna avait toujours bien aimé ses yeux sombres. Un peu comme les temps qui courent…

«N’oublis pas que je serai toujours là pour toi, peu importe ce qui se passera. »

Des paroles en l'air, mais qui se voulaient des plus sincère.

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Elle comprit. Elle accepta le mystère pour se résigner à être présente seulement. Anthony en fut plus que soulagé. Il s’en voulait. Elle était tellement dévouée pour lui et en échange il lui cachait un acte qu’Anna pourrait comprendre. Il était persuadé que tout pouvait s’arranger. C’est sa mère qu’il redoutait le plus. Comment une femme pourrait-elle pardonner un jour à son fils de lui avoir enlevé son mari? Ça lui paraissait impossible.
Quand Anna l’enlaça, le jeune homme de réagit pas. Il ne repoussa pas le geste, mais se contenta de le sentir et de fermer les yeux. Il savait qu’en l’étreignant en son tour qu’il pourrait tout aussi bien se mettre à pleurer comme un enfant au milieu d’une cafétéria tout de même bien remplie. Il n’avait même pas pleuré son père encore, étant sous un choc constant.

Il se retira quelque peu, tout juste pour être capable de bien regarder son amie.

« Ne t’excuse pas, ta réaction est normale. »

Il lui sourit tristement.

« Bon, je crois que je vais laisser les cours de côté pour aujourd’hui. Je dois aller affronter ma mère, c’est pas fait encore. »

Ses paroles se voulaient calmes et plus détendues. Il voulait changer d’air et respirer. Cette situation l’étouffait carrément. Il se sentait piégé et sans ressource.

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Elle acquiesça doucement de la tête en mettant fin à son étreinte. Elle se redressa et toujours en l’observant d’un regard navré. Anna se doutait que sa mère soit aussi compréhensive qu’elle. Elle venait tout de même de perdre son mari et, à la fois, eut la chance d’avoir un fils disparu au même moment. Morales lui avait remonté le moral du mieux qu’elle le pouvait. Évidemment, elle avait évité le plus de discussion possible à propos d’Antho. Qu’aurait-elle pu lui dire? Anna avait vécu la même situation qu’elle. La seule chose qu’elle avait trouvé à dire à sa mère est qu’elle était sure qu’il vivait encore, quelque part. D’ailleurs, après la première semaine elle n’était plus trop sure de ses paroles.

« Oui, la pauvre. J’ai tenté de lui remonté le moral du mieux que j’ai pu, mais les cours qui recommence… Tu sais, Antho, je peux venir avec toi. Évidemment, les cours sont importants, mais cette situation est grave et je ne veux pas te laisser seul avec ça. »

Anna ne voulait pas trop insister. C’était, en gros, le problème d’Anthony, mais Anna voulait agir comme médiateur si les choses tournaient mal. Connaissant la famille Grantfield depuis longtemps, elle ne serait donc pas une inconnue. Malgré tout elle se douterait sans doute qu’il refuserait. Il la connaissait suffisamment pour lui dire qu’il ne voulait pas être un obstacle à ses cours.

Anna voulait l’épauler du mieux qu’elle le pouvait.

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« Anna? »

Il lui sourit et se leva d’une manière énergique. Une parcelle de vie lui revenait soudainement. Les évènements avaient été tragiques certes, mais il n’était pas seul. Il lui restait sa mère et une amie extraordinaire.

« Je t’adore. »

Il lui prit ensuite la main pour l’obliger à le suivre.

« Allez viens! Queenie doit travailler à cette heure là alors on va la rejoindre. »

Il regarda sa montre. Il était encore tôt. Tant pis, ils pourraient flâner en attendant sa pause, vers midi probablement. Anthony était fébrile de la retrouver, de la serrer dans ses bras et de probablement se faire botter les fesses par la suite. Il sourit sans joie. Il méritait la colère des autres, Anna était trop tolérante. Ce fait réanimait son sentiment de culpabilité. Oublier tout cela était impossible.

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Anna fut heureuse de constater qu’une étincelle de vie avait ranimé Antho. Immédiatement, il lui prit la main afin de la forcer à le suivre. Le contact très chaud de sa main lui indiqua qu’il avait été nerveux. Peut-être avait-elle été trop dure avec lui? Quoiqu’il en soit, elle fut surprise qu’il n’ait rien dit pour la dissuader de venir. Anthony devait se sentir vraiment seul. Pourtant, il ne l’était pas.

« D’accord, d’accord! »

Elle le laissa l’entrainer dans la cafétéria avec un sourire au lèvre. Elle n’oublia pas, d’ailleurs, de prendre son sac de sa main libre avant de partir. Tous les deux sortirent donc de l’Université vers le centre ville.

[Fin de ce topique]

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